L’impossible deuil de la fermeture de MSN Messenger : préhistoire du réseau social et nostalgie numérique

9 Jun

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Il y a quelques semaines lorsque MSN messenger a disparu du paysage, a déferlé sur les réseaux sociaux une étrange et virale vague de nostalgie.

Au-delà de l’attachement lié aux souvenirs des longues conversations adolescentes et des « Cthoung » soudains qui venaient ponctuer le : Lolotte13 vient de se connecter, comment s’est déployée cette vague de mélancolie ?

***Nostalgie vient de se connecter

Ce qui a rendu triste tous ceux qui ont grandi au son des wizz, ce sont quelques unes des possibilités ludiques de l’interface.

En vrac : la possibilité d’écrire en Comic San MS rose à un âge où l’on ne sait pas encore que c’est indécent, les émoticônes dont on apprenait les raccourcis pour les écrire plus vite, le logo avec l’horloge qui signifiait : Parti manger, la chasse aux perfides kikoulol !

Vous vous souvenez des avatars par défaut avec les images de jeux d’échec ou de ballon de foot ? Vous vous souvenez de : Jouer cochon danseur ?

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Le choc de l’annonce de la fermeture a été tel qu’une étonnante vidéo proposant une interview de l’icône MSN a permis de remémorer les bons souvenirs tout en facilitant l’acceptation de la perte de l’interface.

Et puis MSN, n’en déplaisent aux parents qui affirment qu’avec internet : On parle avec des gens au bout du monde mais on ne prend pas la peine de discuter avec ses voisins de palier, c’était une manière de tisser du lien social à l’adolescence ! Peut-être pas le plus épanouissant, peut-être pas le plus pratique, mais à 14 ans ça avait son importance. Pour tous les préadolescents coincés dans leur campagne profonde, sans scooter ni voiture et qui voulaient garder contact avec des amis éloignés, c’était presque la seule alternative à l’heure où les forfaits téléphoniques n’étaient pas encore illimités.

Ah ! Et vous vous souvenez du : Je peux aller sur MSN ? Non je téléphone !, de l’époque où il fallait choisir entre la connexion internet et le fixe ?

Comme tout le monde, sur MSN, j’ai vu grandir des amitiés, j’ai ri, je me suis disputée, je me suis réconciliée, j’ai préparé la veille au soir des TPE de première sur le théâtre de l’absurde, connectée avec deux copines, j’ai envoyé des photos rigolotes du site Koreus, j’ai mis mon pseudo « occupé » pour ne pas répondre au gros relou du lycée, j’ai guetté impatiemment que l’icône MSN d’un Fredo75 devienne verte, j’ai veillé tard à en avoir des migraines ophtalmiques, j’ai râlé face à mes parents pour pouvoir me connecter plus longtemps, j’ai occupé des longs dimanches pluvieux à l’heure de Vivement dimanche, bref j’ai tissé du lien social !

Et cette fermeture soudaine a fait affleurer tous ces souvenirs. Ce n’est pas l’interface qui nous manque, mais toutes ces relations que nous y avons tissées, et que l’on retrouve moins ou différemment sur Skype (davantage dédié au rendez-vous professionnel ou familial) ou sur Facebook (davantage dédié au potin organisé).

Enfin, ces sociabilités numériques ont plusieurs visages. Usitées par les adolescents, fustigées par les parents avec la crainte de voir leur enfant coupé du monde, j’aurais recours à cette touchante note de blog du grand Boulet pour évoquer la place des nouvelles technologies dans le lien social aujourd’hui, mélange d’impolitesse (pensons aux gens collés sur leur smartphone au restaurant !) et de possibilités de rapprochements inespérés (par exemple la vitalité d’un réseau social).

Plutôt que de vouloir, à la manière des parents inquiets, dissocier les gens rencontrés en ligne et ceux de la real life, considérons comment les deux se mêlent étrangement dans un maelström poreux qui confond les avatars. Là encore, Boulet décode subtilement ces correspondances entre personnes physiques et avatars en ligne en dessinant ses rencontres professionnelles sous leur image de profil twitter.

*** N’abusez pas des wizz !

Et vous, quel est votre degré de nostalgie du numérique ?

Si vous avez regardé les résultats de votre brevet des collèges sur minitel, les résultats du bac sur internet, que vous avez tout connu, du lecteur cassette aux lunettes Google de réalité augmentée, il y a fort à parier que vous vous sentirez démunis à l’idée d’expliquer un jour cette odyssée à votre gamin, qui à 3 ans a compris plus vite que vous les codes tactiles de l’I Pad.

Le Gorafi se moque d’ailleurs de la propension des gens à dire des choses du genre « Nos enfants ne connaîtront pas le bruit si particulier d’un modem 56k, ce que veut dire 3615 Ulla ou la sens de la blague : T’as pas l’ADSL ou quoi ? » dans un savoureux article faisant le portrait d’un homme qui ressent le besoin de se lever la nuit pour écouter le bruit du modem 56K ou se connecter à une vieille version de Napster !

Et ce qui est fou, c’est que c’est possible !

En utilisant la Wayback machine, sorte de machine à remonter le temps des sites web, vous pourrez voir comment étaient les premières versions des sites internet que vous utilisez quotidiennement. Comme le site du Monde en 1996 apparaît nu et vulnérable ! Et en 1998 on voit apparaître les débuts du zoning sur la page du journal !

Dans la même veine, je vous présente le Big Internet Museum, premier musée à être entièrement et exclusivement en ligne et qui présente les grands moments de la culture d’internet, des lol cats à Chuck Norris en passant par les plus beaux gif.

Alors, avec le développement de l’art numérique jouant sur les codes des nouvelles technologies, comment le phénomène de muséalisation des memes d’internet préfigure-t-il l’entrée de la culture numérique dans la mélasse patrimoniale ?

Que faire des discours nous disant que les machines ne sont que des écrans, que l’émotion ne s’y niche pas comme dans l’ours en peluche de notre enfance ? La question est complexe, tant internet a suscité un imaginaire propre, au rythme des vagues de technophilie et technophobie qui tout à tour l’encensent et l’accusent. Néanmoins, quand on voit la nostalgie de certains envers les 33 tours, le minitel ou le récemment feu Google Reader, on comprend l’attachement aux liens sociaux particuliers qui s’y sont constitués.

Attendons paisiblement ce que nous diront nos enfants… Et pour l’instant, je m’imagine la forme des biographies contemporaines qui me dépeindraient le fait de jouer à Snake sur un Nokia 3310 comme une tendre évocation de l’enfance.

emoticones2

2 Responses to “L’impossible deuil de la fermeture de MSN Messenger : préhistoire du réseau social et nostalgie numérique”

  1. Tizel November 4, 2013 at 9:17 pm #

    Tellement vrai… Mais honnêtement, envahit de pub, MSN était devenu un outil d’un autre âge. Les ados l’ont remplacé par la messagerie Facebook, et par Tweeter.

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  1. L’impossible deuil de la fermeture de MSN... - June 20, 2013

    […] Il y a quelques semaines lorsque MSN messenger a disparu du paysage, a déferlé sur les réseaux sociaux une étrange et virale vague de nostalgie.Au-delà de l’attachement lié aux souvenirs des longues conversations adolescentes et des « Cthoung » soudains qui venaient ponctuer le : Lolotte13 vient de se connecter, comment s’est déployée cette vague de mélancolie ?  […]

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