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Le chagrin d’ami, cette rupture à laquelle nous ne sommes pas socialement préparés

6 Dec

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Tout le monde en conviendra, certaines ruptures amicales sont infiniment plus douloureuses que des déconvenues amoureuses. Et pourtant on observe dans les médias et les récits fictionnels une surreprésentation des chagrins d’amour par rapport au chagrin d’ami. Il y a bien des représentations de ruptures amicales dans les récits de fiction, mais force est de constater qu’il n’y a pas de film spécial chagrin d’ami, comme certaines personnes regardent des films cultes pour se remettre d’une rupture. Dans le chagrin d’ami, point de stéréotype, point de comédie romantique à regarder, avachie face à un pot de nutella, point d’amis qui vous sortent de force pour boire un verre.

Il y a également peu de possibilités de faire des crises de jalousie. Prenons le cas classique où une connaissance rencontre de nouveaux amis et s’éloigne peu à peu de son cercle de proches. On ne s’imagine pas décemment aller voir son ex-ami pour à genoux lui demander ce qu’il a de plus que nous ?

La rupture amicale n’est en rien ritualisée par des étapes précises et c’est précisément ce qui rend son deuil d’autant plus ardu.

Quand dans la rupture amoureuse, la partition des objets acquis en commun est une étape permettant de matérialiser la fin de la relation, il y a rarement en amitié cette possibilité d’aller chez l’autre pour lui rendre tous ses cadeaux ou de faire le partage des biens pour commencer à se reconstruire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a plus de chance de retrouver ses DVD après un chagrin d’amour qu’après qu’un chagrin d’ami.

En outre, l’absence de rites pour marquer le chagrin d’ami peut rendre la rupture d’une violence inouïe. Souvent, seule une distance diffuse et impalpable sépare les anciens amis, quelques messages qui restent sans réponse, ce qui est encore plus triste et cruel, car il manque la coupure nette d’une rupture permettant de marquer le début du deuil.

En amitié on ne se sépare pas, on s’est perdus de vue. Ce n’est pas la distance qui fait mal, ce sont les tentatives maladroites pour reprendre des nouvelles depuis le temps.  Et que dire des amoureux qui étaient également des amis. La douleur double-t-elle ?

En tapant « chagrin d’ami » sur un moteur de recherche, on trouve des centaines de témoignages passionnants. Des psychologues comme Danièle Brun s’accordent à souligner la force de la passion à l’œuvre dans l’amitié. Elle explique notamment que le mythe de l’amitié éternelle qui dépasse aujourd’hui celui de l’amour (dévalué dans le divorce et la menace de la séparation) nous fait vivre sous la pression de relations amicales durables. On constate alors, lors des ruptures amicales, que nous manquons cruellement de discours sociaux sur ce genre de douleurs pour trouver les bons mots à mettre dessus et débuter la reconstruction.

Alors, inventons des films, des romans, des séries TV, avec les mêmes clichés que les amoureux, mais adaptons-les à l’amitié ! Inventons des formes sociales où couler cette tristesse afin qu’elle devienne du domaine du dicible. De même qu’il existe une culture du chagrin d’amour, je vous propose d’inventer les codes du deuil du chagrin d’ami.

 
De l’urgence d’utiliser l’expression « chagrin d’ami »

*Les tout juste plaqués liront les fameux Fragments d’un discours amical de Barthes.

*How I met your mother ? sera remplacé par How I met my best buddy ?  et raconterait la naissance du sentiment amical.

*Sex and the city serait  Friendship in the city et détaillerait la façon dont les relations amicales se créent et se délitent dans un mode de vie urbain.

*Love Actually deviendrait Friendship actually et dresserait le portrait de différentes histoires d’amitié. On pleurerait, on s’identifierait, il y aurait un bon coup de catharsis dans tout ça et tout le monde irait beaucoup mieux !

*D’autres liront Les Essais de Montaigne en pleurant et en balbutiant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi »

*Ceux qui désirent entretenir une philia sincère reliront L’Ethique à Nicomaque en espérant secrètement rencontrer LA grande amitié, celle qui dure toute une vie.

*Adaptons certains proverbes :

Un ami de perdu, dix de retrouvés !
L’amitié est aveugle
Heureux aux jeux, malheureux en amitié
Les histoires de potes finissent mal en général
L’amitié est enfant de bohème, elle n’a jamais jamais connu de loi
On ne badine pas avec l’amitié

Seule limite à ce jeu de réécriture : je ne tolèrerai pas que Marc Lévy, Guillaume Musso ou E. L. James transvasent leur mièvrerie à l’eau de rose sur le sentiment amical.

Et pour les devancer, afin qu’ils ne commettent pas cet odieux forfait, j’ai moi-même écrit un début de roman amical dans leur style. L’expérience a été tellement éprouvante que je me suis brûlée la rétine au deuxième degré en relisant le premier brouillon. Mais cette aventure aux limites de la littérature niaise m’a néanmoins permis de reconnaitre mes vrais amis. C’étaient ceux qui, durant ma longue convalescence oculaire, ont su m’apporter du sérum physiologique et des moelleux aux schokobons en me lisant du Boris Vian.
Car ce que cet article omet de décrire, c’est l’intensité du phénomène inverse : il existe également un coup de foudre amical, une passion amicale et un bien-être incroyable à se sentir entouré par des personnes authentiques.

 

Photo : Discarding images

Le romantisme n’est pas très romantique et autres récits d’injustes destins sémantiques

11 Dec

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Je voudrais aujourd’hui m’indigner devant le triste destin de la signification de certains mots.

***Le romantisme

Tout a commencé quand une amie professeur de lettres m’a avoué, désespérée :

« Je n’en peux plus, je me tue à expliquer à mes élèves que le romantisme, ce n’est pas la passion amoureuse, mais que c’est la fureur, le meurtre, les pactes avec le diable, l’inceste, les fantômes et les suicides ! »

Si aujourd’hui l’adjectif “romantique” est associé à des comportements amoureux mièvrement consensuels, baignant dans un imaginaire Marc-Levyen ; on constate une rapide érosion de la signification première de ce courant artistique de la fin du XVIIIe siècle.

Dans l’acception contemporaine de l’adjectif « romantique », qu’en est-il de l’expression tantôt politique tantôt introspective des âmes torturées d’Hugo, Musset, Rousseau et Chateaubriand ?

Si l’évolution sémantique d’un mot n’a rien d’étonnant ni de nouveau (on emploie également les mots “réaliste” et “surréaliste” dans le langage courant sans forcément faire référence à Balzac ou à Breton), on peut tout de même être troublé par la position radicalement opposée de l’acception actuelle du mot “romantisme”.

En effet, le romantisme allemand n’a absolument rien du romantisme contemporain. C’était l’expression du malaise de la société, c’était l’effarante vague de suicides apparue après la publication des Souffrances du jeune Werther de Goethe. Le livre fit si forte impression que de nombreux jeunes gens à l’époque allaient jusqu’à s’habiller en jaune et bleu, en référence au costume du héro romantique au destin tragique. A t-on déjà vu des fans de Guillaume Musso se vêtir comme leurs personnages ?

Le romantisme, c’était aussi l’expression d’un sentiment d’échec, d’une d’impuissance à imposer des valeurs authentiques dans une société dominée par l’argent. C’était une critique sociale forte qui s’opposait au classicisme, à la raison des Lumières, à l’inlassable retour vers l’Antiquité (ce nid de références réconfortant), et qui a préféré aller voir du côté du Moyen-Âge (mais le Moyen-Âge de l’amour courtois intransigeant), où la littérature abonde en maris trompés qui font manger à leur femme le cœur de leurs amants en civet.

Pour résumer, que ce soit dans le geste suicidaire de Sardanapale ou dans l’agonie amoureuse de Werther, le romantisme, c’est gore !

Et c’est un potentiel injustement oublié que tous les excellents films d’horreurs que l’on pourrait tirer du courant romantique. Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau auraient alors quelque chose de terrifiant et au lieu d’ennuyer les lycéens elles les feraient frémir.

Enfin, si le dictionnaire du TLF explique admirablement bien l’évolution de ce courant littéraire en adjectif commun, d’autres mots ont vécu ces destins tragiques d’une autre manière.

***Mademoiselle / charmante

C’était beau à prononcer et à entendre « Mademoiselle », avec cette discrète allitération en “m”, avant que des parasites urbains ne l’utilisent comme une formule de harcèlement de rue.

« Charmante » est également un adjectif fascinant. Un “charme” signifie initialement le fait de soumettre à un pouvoir magique, d’envoûter par la sorcellerie. Le terme étant désormais dévoyé dans de piteuses techniques de drague, le voilà stigmatisé et il devient alors compliqué de l’utiliser sans qu’il soit connoté.

***Allo

J’avais auparavant un rapport particulier à “allo”, ce mot phatique qui me rappelait mes voyages au Québec. Ce mot réservé en France à la communication téléphonique faisait là-bas office de salutation. Mais maintenant qu’il est à jamais socialement marqué par le fer de la connerie Nabilienne, je tremble à l’idée de l’utiliser à nouveau.

Il y a donc des mots qui n’ont ontologiquement pas de chance dans leur évolution, qui sont sans cesse perdants à la grande loterie du signifié…

D’où la nécessité immédiate de mettre en place un tribunal de l’évolution sémantique !

Et surtout, pour se venger, j’aimerais terriblement que pour une fois on puisse inverser la tendance : qu’on décide maintenant du sens qu’auront plus tard certains mots.

Et que si l’histoire de la langue en a altéré certains, on puisse en revanche redorer le blason des autres… !

Ne confions surtout pas la tâche à l’académie française, mais plutôt à des oulipiens et à leur immense répertoire de contraintes.

Avant d’aller proposer ce projet au collège de Pataphysique, voici d’abord une modeste proposition de loterie sémantique :

***Un « percepteur des impôts » signifiera dans quelques année : un marchand de glace.

Ex : « Venez les enfants, j’entends la musique du camion du percepteur des impôts ! ».

Cela permettrait peut-être de redorer l’image de la profession.

***L’adjectif « Irascible » signifiera « extrêmement séduisant »

Ex : « Jean-Kevin était irascible hier soir ! Tu aurais vu comment les filles le regardaient. »

Ce pauvre adjectif qu’il suffit de prononcer pour entendre l’aspect détestable de la personne qu’il décrit… Nulle beauté dans ce mot, ni par le son, ni par le sens. Trop de sifflantes, un « r » presque guttural… Je suis sûre que plus on prononce le mot « irascible », plus on le devient. Il mériterait un bon revirement sémantique à peu près tous les dix ans.

***Le mot « MarcLévy » servirait quant à lui à qualifier le miasme alimentaire qui reste au fond de l’évier quand on a fini de faire la vaisselle

Ex : « Tu peux jeter le MarcLévy à la poubelle s’il-te-plaît, ça me dégoûte vraiment trop… ».

Mais avec le MarcLévy, la boucle est bouclée, puisque comme l’affirmait la jeune fille qui devisait avec son ami dans le métro hier matin :

« Les histoires d’amour dans les livres à Marc Lévy quand même, ce que c’est romantique ! ».

 werther

***Un excellent article à lire si vous ne savez pas encore que les métalleux sont des romantiques refoulés

L’empire des minaudantes ou ces actrices qui ne jouent que d’une seule façon… La faute aux réalisateurs ?

14 Jun

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MINAUDER, verbe intransitif.
Faire des mines, prendre des poses, adopter des manières affectées pour plaire, pour séduire.

Si j’avais eu le droit de compléter cette définition du Trésor de Langue Française, j’aurais allègrement rajouté « caractéristique première des actrices françaises exaspérantes ».

***À quoi reconnaît-on l’actrice minaudante ?
L’actrice minaudante, c’est d’abord celle qui fait la moue. Soit la moue se veut boudeuse, soit elle se veut faussement adorable et alors l’actrice regarde vers le haut d’un air de chien battu. Fermez les yeux et imaginez une grande fille blonde, l’air blasé… Elle fait des grands yeux et prend des airs de cocker mal nourri avec parfois dans le regard une lueur de mépris insipide… Si j’étais méchante je dirai : c’est bon vous avez visualisé les 95% du jeu de Mélanie Laurent, mais aussi d’Isild Le Besco, de Léa Seydoux, d’Audrey Tautou et de Mélanie Thierry.

A quoi donc ont pu servir les Constantin Stanislavski, les Vsevolod Meyerhold, les Jerzy Grotowski et tant d’autres qui comme eux se sont échinés à créer de leurs mains de belles et profondes théories du jeu d’acteur si l’on doit finalement voir ces actrices réduire à une peau de chagrin l’immense potentiel d’expressions faciales qu’il leur était donné d’exploiter. Si les premières bases du théâtre sont de bannir tout geste parasite, leur jeu d’acteur se résume à un immense geste parasite incessamment renouvelé…la moue.

Stanislavski a dit un jour d’une actrice : « Elle n’aime pas l’art, elle s’aime elle dans l’art » et cette cruelle assertion rend bien compte de ce cabotinage particulier qu’est le recours permanent à la moue.

Mais par-dessus tout, ce qui est frustrant c’est de les voir se cantonner aux mêmes expressions, à nager plus ou moins dans leur zone de confort. Pas de prise de risques, jamais ! Un peu comme si on leur offrait un immense dictionnaire des figures de style et qu’elles disaient : « Ah tiens l’anaphore c’est sympa je ne vais écrire que des anaphores toute ma vie », comme si on leur offrait une cuisine équipée pour préparer et qu’elles se faisaient des nouilles au beurre, comme si on elles avaient une machine à broder très performante mais qu’elles s’arrêtaient à la répétition mécanique du point de croix…

***Aspects sociologiques de la minaudante
Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de vivre l’expérience suivante après avoir vu un film dans lequel joue Mélanie Laurent ou Audrey Tautou ?

En général, après le film, l’assistance se divise en deux camps. Le premier camp (des filles le plus souvent) va probablement se mettre à hurler quelque chose comme : Mais elle joue tellement mal que j’ai la rétine qui saigne, comment tu as pu regarder ça jusqu’au bout ?

Le second camp (le plus souvent composé de garçons) va alors répondre quelque chose du genre : Ah bon ? Non mais le film était bien, je ne vois pas ce que tu reproches à l’actrice.

De sorte à ce que nous pourrions résumer le débat par la célèbre chanson :

« Les filles la trouvent molle
Déplorent son jeu d’actrice
Les mecs la trouvent bonne
Et admirent sa plastique »

A-t-on des références précises à l’appui ? Oui.

Prenons Audrey Tautou dans quelques-uns de ses films : Vénus beauté institut, L’auberge espagnole, Les Poupées russes, Ensemble c’est tout, La délicatesse, Hors de prix, Dieu est grand je suis toute petite et A la folie pas du tout. Si son rôle désormais célèbre d’Amélie Poulain nous a révélé une Audrey pétillante, je vous mets au défi de trouver un seul moment où elle change radicalement son jeu dans ses autres films, sa palette d’intensité émotionnelle semblant passer de l’ennui au mépris et du mépris à la moue. Il en est de même pour Mélanie Laurent. Que ce soit dans Je vais bien ne t’en fais pas, Paris, Inglorious bastards ou Dikkenek, ses expressions faciales vont de l’air blasé au demi-sourire, voire au demi-sourire en coin. Ces mêmes reproches sur l’homogénéité et la non-variation du jeu ont été faits à Marion Cotillard et à Judith Godrèche et sont composés de façon drolatique sur le blog de Cinephiledoc, qui sert de prélude à cet article.

***Pourquoi ce procès ?
Cet article n’a pas pour objectif d’être gratuitement satirique ou de donner du grain à moudre au groupe des Mélanie Haters. Haïr sans bornes n’est pas ma passion, et je garde ce verbe précieux pour des choses importantes telles que les Guéant, les Morano, les anti-mariages pour tous et Marc Levy. Et puis sur Mélanie Laurent tout a déjà été dit, et très bien. Par exemple :

L’article : « Pourquoi tout le monde déteste Mélanie Laurent » raconte les raisons qu’ont les désormais célèbres Mélanie haters de ressentir de l’aversion envers l’actrice :

« Je sais que Mélanie n’a pas aucun talent. C’est juste que 10 000 filles en ont plus qu’elle, et qu’elles ne tourneront jamais avec Tarantino. Voilà ce qui peut engendrer véritablement la haine. Je ne parle pas de jalousie, mais d’injustice ! Si le papa de Melanie n’était pas dans le métier, je ne pense pas qu’on la verrait partout et qu’on entendrait ses chansons aux poireaux/pommes de terre. »

Ici, à propos du coup de gueule de Mélanie vis-à-vis de ses haters, on lira également : « C’est là tout son paradoxe : une actrice qui a construit son succès sur l’image de la fille ordinaire, mais qui ne supporte pas de ne pas être adulée comme une star. Et forcément, ça énerve… »

Non, l’objectif ici est de chercher à comprendre pour quelles raisons le paysage cinématographique français est actuellement infesté de minaudantes.

Le problème est-il du côté des actrices ou de celui des réalisateurs qui les cantonnent à ces rôles ? Soit les actrices manquent de courage pour s’extraire de ces carcans, soit les réalisateurs manquent d’imagination pour elles. J’aimerais bien voir comment se passe sur le tournage la direction du jeu d’acteur de ces femmes. Est-ce que les réalisateurs en rajoutent ? « Mélanie, plus de moues s’il-te-plaît ! » ou au contraire restreignent : « Audrey, essaie de sourire quoi ! ». Et les réalisatrices, comment dirigent-elles les acteurs ?

Je suis toujours effarée par la propension de certains réalisateurs à mettre en avant des archétypes féminins aussi inchangés que stéréotypés : la petite chose fragile, l’hystérique ou la beauté fatale. Oui bien sûr, ce sont des archétypes me direz-vous, ils ne datent pas d’hier ! Et vous aurez raison ! D’ailleurs, d’où viennent-ils ?

***Origines littéraires de la minaudante
La littérature nous a légué quelques archétypes féminins dont le cinéma a de grandes difficultés à se dépêtrer ou même seulement à contourner : la femme fatale, la mère, l’hystérique, la minaudante… La femme fatale c’est par exemple Esther de Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac, c’est la Nana de Zola, peut-être la Fille Elisa d’Edmond de Goncourt, quoique cette dernière tend clairement vers l’hystérie, et la minaudante ce serait Mathilde de la Molle dans Le rouge et le noir, n’arrivant pas à la cheville de Mme de Rénal dans le sublime. La minaudante ce serait également Ruth Morse dans Martin Eden de Jack London, des personnages féminins insupportables, exaspérants de caprice et qui rappellent parfois Catherine des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Et bien sûr on retrouve toutes ces minaudantes à foison dans les collections Harlequin, les secrétions textuelles de Marc Levy, de Guillaume Musso et d’Anna Gavalda.

Le problème majeur, c’est que cela a tendance à faire une grosse marque dans l’inconscient collectif. Là où ça devient fâcheux, c’est que cela suinte tristement dans les représentations sociales…et les réalisateurs vont faire jouer aux femmes principalement deux ou trois types de rôles : la petite chose fragile, l’hystérique ou la beauté fatale, et les actrices, n’ayant pas la plupart du temps d’autres rôles à se mettre sous la dent (du moins pour ce qui est des films à gros budget) joueront comme ça.

Heureusement, il y a pour nous sauver des actrices qui résistent aux minauderies et qui savent jouer des rôles différents, qui savent déployer subtilement la palette de leur jeu, citons au hasard Sylvie Testud dans Stupeur et Tremblements, Sara Forestier dans Le nom des gens, Noémie Lvovsky dans Camille Redouble, ou encore Cécile de France et Chiara Mastroianni…

Heureusement encore, il y a le cinéma d’art et d’essai pour nous sauver de ces clichés.

Mais le mal est fait.

***Le jeu des minaudantes fait de grosses tâches dans les représentations sociales féminines. Pourquoi c’est grave ?
Aller voir un match d’improvisation avec des joueurs débutants est une expérience intéressante.

Pour en avoir plusieurs fois fait l’expérience (en tant que spectatrice comme en tant que joueuse), j’ai remarqué que les filles avaient tendance à se couler intuitivement dans des moules archétypaux confortables et tout prêts : le plus souvent la séductrice (la femme fatale, l’infirmière sexy…) ou la minaudante (la femme enfant, la boudeuse…). Dans l’urgence (« Je n’ai que quelques secondes pour inventer un personnage ! ») les stéréotypes profondément ancrés remontent, c’est un phénomène qui touche tous les joueurs…mais dans certains cas cela fait peine à voir.

Un jour notre formatrice de théâtre d’improvisation nous a dit : « Les filles, est-ce que vous êtes conscientes que durant toute l’heure de jeu vous n’avez fait QUE des rôles de séductrices ou bien des rôles de femmes qui font des métiers clichés : institutrice, infirmière, bibliothécaire… ? Que vous interprétiez toujours un personnage devant obéir à un homme…ou devant le séduire ? Vous êtes sur scène, vous êtes libres d’inventer tout ce que vous voulez, pourquoi vous n’en profitez-vous pas pour jouer une femme chef d’entreprise ? Ou une femme présidente ? », une belle façon de contrer les minaudantes dans l’autre sens.

Et non, nous n’avions pas fait attention à cette auto-assignation des rôles.

Heureusement aussi, en impro, il y a deux fautes que j’adore, ce sont les fautes de cabotinage et de clichés ! Une moue trop prononcée ? Un joueur qui fait tout le temps le même personnage ? Qui se love avec délectation dans un stéréotype dont on voit clairement les ficelles ? L’arbitre souffle dans son kazoo pour punir le joueur fautif d’en faire trop.

Alors la prochaine fois : Bbbbbbbbbbbbbzzzzzzzzzz * bruit de kazoo* J’apporte mon kazoo au cinéma.

Et je râle ! Et j’impose une faute de jeu !

Contre les moues minaudantes.

Et contre les réalisateurs !

**Et pour continuer à râler en riant, la suite de l’article c’est Cinephiledoc qui s’en charge !**

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