La réflexion sur les catégories des musées interroge rarement les autres classifications qui auraient pu advenir.
Et pourtant, s’il nous semble évident que les collections muséales soient rangées dans des catégories peu remises en cause telles que les beaux arts, l’histoire ou l’ethnographie, il est intéressant de se pencher sur les catégories qui n’ont pas été élues.
Rien ne nous empêche donc de retourner comme un gant les évidences infra-ordinaires de ces classifications pour en explorer les zones d’ombre et proposer des classements transversaux, absurdes et impossibles.
A l’instar du désormais célèbre musée du cœur brisé (à Zagreb et à Los Angeles), qui propose d’archiver les émotions, et de montrer comment nous aimons et comment nous réagissons à la perte, je propose une modeste liste de thématiques ordinaires et triviales pour de minuscules musées intimes.
J’espère trouver un musée à la thématique si précise qu’elle ne comportera qu’une dizaine d’objets.
Décliner cette contrainte Oulipienne aboutit à la liste suivante qui intègre des éléments quotidiens dont la trivialité et la précision empêche d’envisager sérieusement leur collection mais donc l’évocation ramène à des souvenirs intimes.
Cet article a évidemment été écrit en espérant qu’un Oulipien perdu y échoue et ressente une révélation saisissante, à savoir qu’il est nécessaire de créer un OuExPo pour inventer des contraintes tordues à destination des musées et des pratiques d’exposition.
Catégories transversales
Le musée des œuvres qui rendent nostalgiques
Les musées des tableaux qui représentent les nourrissons de façon peu réaliste
Le musée de ce qui est bleu roi
Le musée des textures rugueuses
Le musée de la norme (sponsorisé par AFNOR et Lexomil)
Le musée des œuvres isocèles
Le musée de ce qui sera bientôt démodé
Le musée de ce qui est moyennement beau
Le musée des œuvres qui ont failli entrer au musée
Catégories trop précises
Le musée des techniques pour se lever du canapé sans réveiller le chat qui s’est endormi sur nos genoux
Le musée des objets de boutiques de musées qui n’ont rien à voir avec les collections du musée
Le musée des pâtisseries les plus étouffe-chrétiens
Le musée de ce qui énerve tonton Jean-Pierre
Le musée des graines rigolotes et non comestibles que les enfants aiment garder dans leurs poches (comme des graines à hélicoptères que l’on peut lancer et autres samares et akènes)
Le musée des sensations synesthésiques les plus étonnantes
Le musée des plus belles interfaces de Windows 98
Le musée des excuses bidons pour ne pas avoir rendu le devoir maison de SVT
Le musée de la lettre d’amour pathétique
Le musée des odeurs de marqueurs
Le musée des odeurs de voitures neuves
Le musée de la dissertation de français la plus moyenne
Le musée des motifs de sièges SNCF les plus kitsch
Le musée des répliques assassines de repas de famille
Le musée des élucubrations hypocondriaques
Le musée des personnalités politiques corrompues (à visiter avant chaque élection pour se rafraîchir la mémoire)
Le musée des capacités physiques étonnantes (telles que bouger les oreilles ou les sourcils)
Le musée des vengeances les plus truculentes
Le musée des choses communes à toutes les cultures (rituels funéraires, salutations et présentation de soi)
Le musée des arguments misogynes en carton (un briquet est fourni à l’entrer pour brûler les pièces les plus fatigantes)
Le musée des sonneries de téléphones
Le musée des publicités les plus banales
Le musée des rires peu communs
Le musée des surfaces moelleuses
Le musée de la signalétique ratée (bon courage pour en sortir)