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Bonjour, actuellement chercheur en Moranologie…

23 Feb

La sémiotique, la physique quantique, l’esthétique…et si l’esprit humain utilisait une taxinomie différente pour classer les grandes aires du savoir ?

Et si pour donner un peu d’air frais à ces carcans disciplinaires on décidait de réorganiser toutes les filières universitaires. Histoire de faire voyager nos problématiques asséchées d’avoir trop servi, nos dialectiques ridées et bien pensantes qui dorment depuis Hegel du sommeil dogmatique du juste… Juste un an, pour voir ! On pourrait étudier l’érologie. Il y aurait des cours sur l’histoire du sentiment amoureux à travers les âges, cela convoquerait évidemment l’histoire, la littérature, la philosophie mais aussi la biologie et les neurosciences pour comprendre les mécanismes biochimiques de la passion. Il faudrait sans doute rajouter l’éthologie pour connaître la façon dont se crée l’attachement chez les couples d’animaux. Sans compter les délicieux sujets de thèse que cela occasionnerait : “De Marivaux aux gender studies : approche de l’érologie sur la rémanence du travestissement et de l’ambiguïté dans le sentiment amoureux”, ou encore : “De la carte du tendre à la cartographie participative sur le web : introduction à la localisation des affects”. Et puis si on sortait des bibliothèques, si on annexait les laboratoires pour faire de l’érologie une science expérimentale ? Si on modélisait des molécules de l’engouement, si on les testait sur des volontaires, si on ressortait des placards les recettes médiévales des philtres d’amour,  comment réagiraient les comités d’éthique devant tout ce bazar ?

Justement, dans le département voisin, la chaologie étudierait les modalités du bazar, les caractéristiques ontologiques du bordel et les limites de l’ordre maniaque… De la chambre en désordre du fils du voisin à la physique du chaos, de la permanence de la chaussette perdue dans le lave-linge à la mythologie grecque, les disciplines se croiseraient gentiment et les sujets de mémoires prêteraient à sourire : “De la systémie à la sérendipité : étude croisée de la disposition pseudo-aléatoire des couverts dans le lave-vaisselle”. La chaologie permettrait également de se spécialiser en hasardologie ou en maniaquologie et d’intégrer autant les statistiques que l’anthropologie. Les profs des différents UFR seraient obligés de se parler, on sortirait de nos clichés qui plombent l’image des sciences dures comme des sciences molles et les empêchent de communiquer sereinement.

Mais de toutes ces disciplines chimériques, si je ne devais en choisir qu’une seule, ce serait la moranologie, autrement dit l’étude de la bêtise. On y apprendrait à différencier l’ignorance de la maladresse, la volonté de mal faire de la naïveté. On comprendrait enfin de quoi est fait le terreau fertile de la connerie humaine. Les étudiants de licence plancheraient sur les partiels d’anthropologie ou de psychologie suivants : “Où finit la gentillesse, où commence la niaiserie ? Donnez un exemple précis de quelqu’un de votre entourage”, ou “Le gros lourd en boîte de nuit, abrutissement ontologique, inadaptation sociale ou sexisme avéré ?”. Pourquoi choisir le terme “moranologie” ? En hommage évident à l’ancienne députée sarkozyste, auteure du tristement célèbre aphorisme qui signifiait, en gros : “Je ne suis pas raciste, la preuve j’aime le couscous” et qui devînt l’emblème flamboyant du raccourci intellectuel le plus fantastiquement obtus de ce siècle. Le raccourci semble d’ailleurs si parfaitement inintelligent que les chercheurs se demandent actuellement comment résoudre la perfection conceptuelle du sophisme…ils décortiquent les prémisses, épluchent les inférences, mondent les ellipses, bref, j’ai bon espoir, en combinant de la sorte les disciplines universitaires, on serait bien capable d’écraser l’infâme, ou du moins, de l’agacer un peu.