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La véritable et truculente histoire de PAF le phonème

22 Apr

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Depuis des temps immémoriaux, une question de linguistique et de philosophie du langage hante mes nuits : serait-ce possible que les mots dont les sonorités se ressemblent aient également des sens similaires ou du moins comparables ?

Y aurait-il une relation métaphysique de signification entre les quasi-homophones ? Mon esprit en tout cas lie allègrement les signifiants et créé fréquemment des liens entre ces mots que seul le son réunit… Cela me pose en société de graves problèmes qui découlent presque tous de cette simple question : le choix des mots est-il motivé ?

Quelques exemples s’imposent.

Les mots belette et belotte sont si proches d’un point de vue sonore que toujours je me représente le petit animal en pleine partie de carte avec ses compagnons. C’est bien triste à dire, mais jamais la belette ne jouera au tarot ou au poker dans mon inconscient ou dans la vaste plaine de mes représentations mentales.

Les substantifs paradis et parodie quant à eux sont trop proches pour que le paradis soit exempt de satire… Que dire d’ailleurs des mots satire et satyre ? Toujours je m’imagine le faiseur de sarcasmes sous la forme d’un faune barbu.

J’eus l’air bête le jour où je confondis le terme prosélytisme avec celui de proxénétisme, surtout qu’à ce moment précis je m’étais engagée dans une diatribe dans laquelle j’accusais l’église catholique de proxénétisme…

Les termes furibond et moribond, par leur ressemblance phonétique, devraient également avoir des sens similaires, à moins que le premier état n’entraîne le second ? Et quel lien entretiennent-ils avec les pudibonds ?

Je ne suis pas là seule à avoir un esprit tordu et fusionneur de phonèmes. Pour mon ami Xavier, les mots fromage et chômage se confondent tant dans son esprit que son image mentale du chômage est celle d’un individu attablé devant des montagnes de brie.

Le problème va hélas plus loin. Dans mon cerveau, c’est parfois tellement la fête du signifiant et du signifié…que les mots se reproduisent…

Là encore, quelques exemples avant toute chose :

Des amours monstrueux du paradis et du dogme naîtront le paradigme. Également sous forme d’équation : paradis + dogme = paradigme.

Les habitants de Lisbonne sont-ils à ce point bohèmes et poètes qu’il faille les appeler les Lisboètes ? bohèmes + poètes = lisboètes

Pape + À croupetons = Papeton. Les papetons, ce plat provençal à base d’aubergine m’évoque un pape à croupetons ce qui est passablement inattendu voire obscène de la part du St Père… Déjà que le mot croupetons m’inspire une image de quelqu’un accroupi avec des croûtons…c’est dire si le hasard du langage exploite laborieusement le lexique de la chute vers le sol…

Mots + maux : mauvais jeux de maux…

*** Digression nécessaire : Par pitié arrêtons avec cette horrible mode qui consistent à jouer sur les termes mots et maux dans le contexte médical, ces jeux de maux consternants pour psychologues en manque d’inspiration pour décrire le lien entre le corps et l’esprit (du style : Des mots pour soigner les maux, Édition Odile Jacob) me hérissent le poil et le dendrite ***

Il doit y avoir quelque chose de pourri au royaume de mes neurones car je souffre également du syndrome du fusionneur de mots.

Sweat + pull = suis ou pweat

Je veux articuler une phrase toute simple, par exemple « Je monter chercher un pull », et là les mots ont tendance à déferler un peu trop vite dans ma tête. Les mots « pull » et « sweat » qui désignent tous deux le vêtement désiré arrivent en même temps dans l’entonnoir du système phonatoire, comme deux gamins qui font du toboggan et se rentrent dedans à la sortie…PAF le phonème ! Fusion des deux mots…le cerveau n’a rien pu faire, les cordes vocales ont pris le relais et n’ayant pu choisir entre pull et sweat je finis par m’entendre dire « je monte chercher un sull » ou encore : « je monte chercher un pweat ». Et c’est trop tard.

Et cela m’arrive avec plein de mots. Et cela met très mal à l’aise.

Si la question de la motivation du langage a été traitée depuis longtemps par le structuralisme, rien ne nous explique cependant comment notre cerveau classe les mots… Dans la grande taxinomie de ma tête, les termes ne sont pas rangés pas proximité de sens (« rangeons les mots qui parlent de cuisine dans un tiroir et les mots qui parlent de sport dans l’autre ») mais par proximité de son (rangeons à ensemble les mots « gâteau bateau château rabot chapeau appeau » et dans un autre tiroir les mots « douche mouche souche louche », rangeons ensemble « Mickael Jordan » et « Mickael Jackson », ou encore « Nelson Monfort et Nelson Mandela » même s’il n’y a aucun lien thématique entre eux…).

Le problème c’est que ce fonctionnement est viral et que se dessinent de nouvelles taxinomies totalement imprévisibles…je me rends compte que je range « Klaus Barbie et Donald Trump » dans la catégorie « prénoms bizarres avec un terme qui rappelle l’enfance ». Et dans une conversation normale je vais allègrement confondre Barbie et Trump, le chef de la gestapo et le milliardaire américain sous prétexte qu’ils sont rangés à côté dans mon cerveau…et quand j’explique à mes interlocuteurs que mon erreur provient d’une association d’idée…on me regarde bizarrement ! Et c’est bien normal !

Voilà. Cet article a pour but de faire passer une petite annonce…je cherche sérieusement un documentaliste du cerveau, un thésaurus de l’esprit, un bibliothécaire des neurones, synapses et autres dendrites pour remettre un peu d’ordre dans ces catégories, pour une classification cohérente des mots à base de classeurs thématiques, pour coller des étiquettes avec écrit dessus « sens » et non pas « sons », pour arrêter de confondre des mots qui se ressemblent et qu’au restaurant je ne me retrouve plus à commander de gâteau au beurre d’arachnide au lieu de beurre d’arachide.

Merci

Mes neurones

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*** Digression métabloguesque ***

Je viens d’apprendre que mon blog avait été nominé aux Liebster Awards !

Wouhou, tuons le veau gras et hurlons sur la blogosphère notre joie démiurgique !

Non en fait non…il y a quelque chose d’un peu usant avec cet Award, c’est qu’en fait ce n’est pas un Award, c’est une chaîne déguisée en récompense. Je m’explique. Je suis censée répondre à un questionnaire puis sélectionner à mon tour 11 autres blogs qui feront de même.

Par contre, ce qui est génial avec cet award, c’est que ça permet de rencontrer énormément de blogueurs !

Et plutôt que d’étaler une longue liste de blogs (cela viendra mais plus tard) j’en profite pour vous parler de la personne qui m’a décerné ledit Award : l’auteure de Cinephiledoc, rencontrée il y a quelques années autour d’un fabuleux texte de Nicholas Carr : « Is Google making us stupid ? ». Notre amitié se fortifia lors de truculents concours de l’éducation nationale et de chansons de Ray Charles dans une salle de cours du 17e arrondissement, et puis un jour j’ai découvert son blog.

Ce blog pourrait s’appeler Cinéphile-littéraire-sociologue-critique de séries télé-professeur documentaliste hyperactive éthique et responsable-humoriste-doc tant sa verve prolifique embrasse des sujets aussi vastes que le cinéma hollywoodien, les rêves des écrivains et la meilleure façon d’emballer des voitures dans du cellophane…

S’abonner à sa page Facebook est un enchantement permanent !

Et comme je suis bonne joueuse et que le questionnaire est un tantinet proustien, je me prête au jeu !

  1. Si vous étiez un écrivain ?

Nancy Huston, euh non en fait Annie Ernaux, euh non en fait Rimbaud, euh non Umberto Eco, définitivement Umberto Eco !

  1. Si vous étiez un roman ?

Et on tuera tous les affreux de Boris Vian, parce que l’auteur se fait passer pour un romancier américain tendance et que c’est à hurler de rire.

  1. Si vous étiez une pièce de théâtre ?

La leçon de Ionesco, pour sa superbe phrase « La philologie mène au crime », euh non en fait Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare parce que c’est si baroque et si doux à la fois, ou non en fait plutôt La cantatrice chauve pour sa réplique « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ».

  1. Si vous étiez un réalisateur ?

Michel Gondry ou Emir Kusturica. Probablement Kusturica car Arizona Dream est le seul film dont je peux écouter la bande annonce durant des heures sans me lasser et en me disant que j’ai compris le sens de la vie comme ses cruelles désillusions **procédé emphatique**.

  1. Si vous étiez un acteur ?

Je ne sais pas…sincèrement…mais je sais que je ne serai pas Mélanie Laurent, tant ses minauderies niaiseuses sont une honte au travail de Stanislavski et de Meyerhold sur le jeu d’acteur et méritent définitivement de la condamner à l’oubli (et aussi un peu à une forme de torture particulière : devoir lire pendant l’éternité Les meilleures blagues de Jean Roucas).

  1. Si vous étiez un courant philosophique ?

Probablement le plotinisme. J’ai énormément d’affection pour le plotinisme car Plotin est totalement éclipsé par Platon (dont la paronomase entre les deux noms ne vous aura pas échappé), ou peut-être le nominalisme car la scolastique médiévale n’est plus trop à la mode, pas autant que le nihilisme, et que cela m’attriste parfois.

  1. Si vous étiez un personnage historique ?

Un mélange entre Simone de Beauvoir, Kafka, Émilie du Châtelet et Judith Butler, c’est possible ?

  1. Si vous étiez une période de l’histoire ?

Mai 68 pour voir Cohn-Bendit avec des cheveux roux !

  1. Si vous étiez une conviction (ou absence de conviction) religieuse ?

Le bouddhisme, parce que maintenant que j’ai appris à dire « avalokitesvara » sans m’étouffer je veux en profiter, non, plus sérieusement parce que cela m’a appris à faire des méditations de compassion, à faire le vide dans mon esprit et à ne plus souffrir des mesquineries !

  1. Si vous étiez un homme politique ?

Vaclav Havel parce que c’est le seul homme d’état à avoir aussi été dramaturge, parce que son nom est une gigantesque déclaration d’amour aux assonances et aux allitérations, et accessoirement pour son rôle dans la révolution de velours.

  1. Si vous étiez une citation ?

« Je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas…Je ne suis pas, là où je suis le jouet de ma pensée ; je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser » de Lacan.

Hahaha ! Non en vrai ce serait : « Et puis quoi, qu’importe la culture ? Quand il a écrit Hamlet, Molière avait-il lu Rostand ? Non. » de Pierre Desproges

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