Archive | February, 2024

S’il-vous-plaît, pas Vincent Delerm

15 Feb

Ce matin, en prenant mon café, j’apprends que Philippe Caubère est mis en examen pour viol sur mineures. 

Pour moi qui ait découvert le théâtre par ses seuls en scène, qui ait rêvé de l’âge d’or du théâtre de la Cartoucherie de Vincennes, ça a été un choc. Et puis en fait non. Car comme je l’ai lu quelque part sur Twitter, il faudrait plutôt faire la liste des hommes qui ne sont pas accusés de violence, ça irait plus vite. 

Et puis je me suis demandée qui serait le prochain. Quelle idole d’enfance allait être brisée de nouveau par le témoignage d’une actrice. Quel recoin confortable de mon habitus culturel allait être remué. 

Je ne sais pas pourquoi mais j’ai pensé à Vincent Delerm. Je crois que je m’effondrerai si je le savais auteur de violence.

Parce qu’à mes quatorze ans, je cachais un terrible secret. A l’heure où mes amies écoutaient Avril Lavigne et Linkin Park, je collectionnais les CD de Vincent Delerm. J’avais bien conscience du fait que je n’étais pas du tout le public cible et que la majorité de ses fans était des trentenaires parisiens ; mais du fin fond de mon collège campagnard, j’aimais son piano tantôt mélancolique, tantôt sautillant. J’aimais sa façon de décrire des tranches de vie des générations qui n’étaient pas la mienne. J’aimais son air un peu désinvolte et sa passion pour François Truffaut. J’aimais sa description tendre et ironique du festival d’Avignon. Son amour de l’infraordinaire, du petit détail. Il me faudra attendre de vivre à Paris pour comprendre toutes les références de ses chansons. Vincent Delerm, c’était mon safe space pendant l’adolescence, un cocon de piano et de paroles bien trouvées. Un secret musical bien gardé. Je m’y sentais chez moi.

C’est idiot, mais je crois que si j’apprenais qu’il était mis en examen pour viol, c’est une partie de mon enfance qui s’effondrerait. 

Alors pour le moment, je retiens ma respiration avant l’ogre suivant derrière le prochain #metoo.